portraits de mandjoushri
une quête de paix
500+ portraits d'une communauté bouddhiste que je porte dans mon cœur
COMMENT J'AI RENCONTRÉ LA TRADITION KADAMPA,
ET POURQUOI JE SUIS RESTÉ À SON CONTACT
CONTENU DE CETTE SECTION :
1. Pourquoi parler de mon expérience personnelle ?
2. Un désir de changement
3. Kadampa, méditation et mort
4. L’importance des discussions informelles
5. Le séjour, plus efficace qu’une session
6. Envie d’approfondir
7. Des résultats concrets
8. Tout est possible
9. Le choix d’un changement rapide et profond
11. Spiritualité ? Le yoga de l’esprit
12. Du microscope au grand angle
14. Une quête de paix (une histoire pas originale)
15. Manjushri Portraits : une « inter-face(s) »
16. Une place pour l’individu dans l’organisation
1. Pourquoi parler de mon expérience personnelle ?
Alors que je demandais des avis avant la publication, quelques-uns m’ont interpelé: « Mais pourquoi veux tu parler de tes histoires personnelles. Ce site est à propos des autres ! »
Près de 300 personnes m’ont fait confiance en me laissant prendre leur photo avec l’intention de la publier dans le cadre d’un projet personnel qui prenait forme au fur et à mesure. Cette confiance mérite bien que je mette à la disposition de ceux que cela intéresse le parcours qui m’a mené à Manjushri puis à ces portraits.
Par ailleurs, ceux qui m’ont rencontré l’ont remarqué : enthousiaste, j’aime poser des questions mais aussi donner mon avis, communiquer ! Y compris sur des choses personnelles. Malgré tous les bienfaits de ma rencontre avec les gens de la tradition Kadampa, je n’ai apparemment pas encore atteint l’illumination, et mon Ego n’est pas dissout. Parmi les phrases clefs que j’ai entendues ces 2 dernières années, je me souviens notamment de : «Bouddhistes, mais pas Bouddhas.» Il y a de la place pour les imperfections. Et je l’ai constaté avec joie, chacun garde sa personnalité, ses facettes, lisses et rugueuses.
Il ne s’agit pas tant de se changer que d’être soi même de façon harmonieuse, et si possible agréable et utiles aux autres. C’est ce que j’ai voulu faire avec Manjushri Portraits. Aller vers les autres, les interpeller, les accompagner, les valoriser, susciter l’adhésion, proposer une idée, écouter, faire évoluer cette idée.
Si je raconte un peu mon histoire, ce n’est pas seulement parce que cela m’est utile de la mettre par écris. Les « anciens » peaufinent leur savoir au contact des « nouveaux ». Revivent à leur contact l’émotion de leurs premiers pas. Revisitent les enseignements qu’ils ont intégrés au moment de les formuler à ceux qui les découvrent. Quand aux « nouveaux », cela ferait mon bonheur s’il n’y avait ne serait-ce qu’une personne qui, en rencontrant ce projet, change quelque chose dans sa vie. Fait une séance de méditation, participe à un enseignement ou vient faire une working visit dans l’un des centres.
Prendre plaisir à concevoir et réaliser un projet qui fait plaisir aux autres et qui peut bénéficier à beaucoup d’autres, sans relation d’argent, c’est le bonheur. Un bonheur que certains ont la chance de vivre au quotidien presque toute leur vie. Mais à côté duquel il est également fréquent de passer. Cet été 2015, je ne suis pas passé à côté, notamment grâce à Manjushri Portraits.
2. Un désir de changement
Depuis quelques années, j’étais doucement à la recherche d’un changement de fond, sans parvenir à l’inventer. Alors, en 2011 et 2012, pour me distraire, mon style de vie parisien est devenu de plus en plus intense. Combinant fête, travail et déplacement en scooter de façon fatigante et dangereuse.
En mars 2013, l’idée m’est venu de faire pour la première fois une retraite. Pas un voyage, ni des vacances, ni une formation ou un stage. Partir au vert, quelques jours, pour respirer, prendre du recul.
Je me disais, si une retraite n’est pas professionnelle, elle est spirituelle. Or la religion, la spiritualité, ce n’est pas mon truc du tout. Mais force était de constater que ma façon habituelle d’appréhender le monde ne suffisait pas.
Malgré mon attachement aux modèles de compréhension psychologiques et sociologiques, j’ai souvent pensé, depuis quelques années, que les gens qui pratiquent une spiritualité ont en quelque sorte un avantage. Une dimension supplémentaire.
Après une rapide recherche sur Google, je m’apprêtais à tenter ma chance dans une abbaye en Bretagne, malgré un interlocuteur téléphonique peu encourageant : « Êtes vous certain de vouloir venir de Paris ? Une personne arrivée ce matin est repartie le même jour, prise d’une crise d’angoisse.» Il avait lui-même l’air un peu stressé.
3. Kadampa, méditation et mort
Ma fille de 20 ans pensait que j’avais davantage de chances de m’engager dans cette retraite si elle se déroulait dans un climat plus chaud. Elle fit donc une recherche pour des lieux au Sud, et m’envoya le lien d’un centre bouddhiste Kadampa, près de Toulouse.
L’enseignante répondit au téléphone d’une voix souriante. Me proposa d’assister à l’initiation à la méditation qu’elle donnait sur Toulouse dans quelques jours puis de m’amener avec elle dans la résidence, située dans la campagne, à 30km de là . Que demander de plus ?!
J’ai passé l’essentiel de ma première session de méditation à lutter contre le sommeil. Toute la fatigue accumulée dans un mode de vie où le repos est une perte de temps profitait de cet espace pour déborder. Et lorsque j’étais assez éveillé pour essayer de faire le vide, impossible de calmer les flux d’idées qui traversaient mon esprit. Intéressant, me dis-je.
Le lendemain de mon arrivée, mon premier enseignement, sur le thème de la Mort, m’a profondément interpelé. Il fallait qu’il m’interpelle parce que les premiers jours, pendant les chants, la cloche et le tambour, face à ces objets, ces noms, ces statues qui ne me disaient rien, j’étais tenté par la dérision. Je me disais aussi que mon entourage parisien serait hilare et / ou très inquiet s’il pouvait me voir en temps réel. Moi, directeur d’étude marketing, taggueur, adepte de musique électronique, habitué des back stages des clubs de la capitale.
Mais j’avais envie et besoin de laisser une chance à la nouveauté. Tout ce folklore était beau, et cet enseignement sur la mort était puissant. En l’écoutant, je me disais que mon style de « vie », en un sens, correspondait tout à fait à un certain stéréotype. Je tournais le dos à la mort – pourtant l’une des plus solides certitudes de l’existence humaine. Une vie occupée par un travail et surtout des distractions toujours plus intenses. Distractions dont le rôle est de compenser un manque et de faire écran face à la mort, alors qu’elles m’en rapprochent, tout en étant vouées à ne pas m’y accompagner. Bref, je me chérissais à mort. Comme un papillon de nuit enivré de lumière va se bruler et partir en fumé sur une halogène.
Deux années plus tard, ce constat n’est pas encore vraiment assimilé. Mais il reste affiché sur mon tableau de bord personnel et influence positivement certaines de mes décisions.
4. L’importance des discussions informelles
Puis cela a été les discussions. Des échanges avec les résidents ou les visiteurs du centre. Parfois en anglais, avec des gens venant d’autres pays. Des gens de tous les âges, de toutes les conditions, tous les styles, avec lesquels je n’aurais probablement jamais parlé, à Paris, dans ma vie centrée sur mes loisirs et mon travail. Une vie où l’on ignore la plupart des gens autour de soi.
Des discussions simples. Sincères. Humaines. Souvent gaies et légère. Mon ironie, ma dérision et mes questions passaient bien, étaient acceptées avec humour et souplesse. Pas moyen, donc, d’envoyer paître toute cette nouveauté en me réfugiant derrière la rigidité de mes interlocuteurs.
Je suis un enthousiaste, mais j’aime aussi analyser, remettre en cause. Dans ce centre de Toulouse, j’ai opté pour l’attitude suivante :
-
Etant historiquement sceptique vis à vis des spiritualités, ayant déjà un boulot dans lequel l’écriture et la lecture prennent une place importante, et ayant de surcroit le cerveau bien farci et fatigué par mon rythme de vie actuel, je n’avais pas du tout envie d’avoir une approche théorique de la tradition : lire les livres, apprendre des choses par cœur, etc.
-
Par contre j’étais totalement ouvert à tout ce qui pouvait me toucher intuitivement, me parler explicitement. À tout ce que je pouvais apprendre de façon pratique : en observant un comportement, en écoutant des idées simples, en ayant des discussions sur des exemples de la vie de tous les jours.
Je me disais, s’il y a ici, chez ces gens, dans cette tradition, une qualité, une efficacité, un intérêt, un bénéfice, je dois les constater et en ressentir les effets simplement, directement, rapidement, explicitement.
On peut avoir des discussions intéressantes sur le sens de la vie au téléphone, dans un couloir entre deux réunions de travail. Ou encore, alcoolisé, dans un bar bondé et bruyant.
Mais, à jeun, en prenant vraiment le temps, dans le calme, en s’écoutant, avant ou après une séance de méditation ou un enseignement, ça rentre autrement.
Et force était de constater que le contenu des échanges me surprenait souvent, positivement. Je me souviens d’une personne, de passage dans ce centre, me disant avoir beaucoup souffert, plusieurs années durant, de la mort de son partenaire. Ceci jusqu’à ce que le bouddhisme lui fasse comprendre qu’elle entretenait cette souffrance - en un sens égoïstement – en n’acceptant pas la perte de cet être aimé.
Spontanément, me disais-je en l’écoutant, j’étais tenté de penser que NE PAS souffrir du départ de l’autre était une attitude égoïste. Pourtant elle avait bien raison. Soufrant moins aujourd’hui, son amour pour l’être perdu était meilleur, et elle créait davantage de bonheur autour d’elle.
5. Le séjour, plus efficace qu’une session
Des amis ou un professionnel de la santé auraient pu suggérer cette autre façon de voir à cette personne. Mais entendre des bonnes idées est facile (quoi que pas nécessairement fréquent…), ce qui est difficile est de les intégrer, de les mettre en pratique d’une façon qui change réellement la vie. Or ce qui avait permis à cette personne de mettre en pratique ce changement aussi important, c’est probablement ce que j’étais moi même en train de découvrir. Avant ce séjour en effet, rarement j’avais vécu une telle combinaison de discussions de qualité, de nature, de silence, de solitude et vie collective combinées, de réflexion philosophique, d’enseignements et de beauté du rituel et des objets spirituels.
Rarement j’avais aussi rapidement, profondément - et surtout sereinement - ouvert un espace. Créé un vide fertile. Éprouvé le vertige d’une rencontre avec moi-même et d’une connexion avec quelque chose de beaucoup plus grand que moi.
Et tout ceci n’avait rien à voir avec une croyance en l’existence de Bouddha, en la réincarnation. Avec la connaissance du Dharma ou la compréhension des objets spirituels se trouvant dans de la salle principale. Les bienfaits du contexte dans lequel je me trouvais se passaient de ces réponses. Et même de ces questions.
Et tout ceci constituait donc, pour cette personne comme pour moi et pour tout le monde, un outil de changement d’une puissance formidable. Une puissance suffisante pour me détourner de ma trajectoire actuelle, de mes dangereuses distractions, comme il avait épargné à cette personne de sombrer dans la dépression et la spirale dangereuse de son traitement chimique. Mieux, il lui avait ouvert un nouvel horizon, au potentiel infini.
Le premier changement s’est manifesté dès mon premier jour sur place. On a tous en tête une liste de choses à changer. Au sommet de la mienne, il y avait depuis plusieurs années cette idée de quitter Paris et surtout le lieu dans lequel j’habitais depuis 13 ans, chargé d’histoire(s) familiale(s). Parti pour une marche, sans même avoir ce sujet à l’esprit, brusquement, comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu, j’ai su que le moment était venu, que ce changement me serait bénéfique. La décision était donc prise.
Changer d’endroit ne garanti en rien un progrès. Mais dans certains cas, cela peut y contribuer. Et ce premier pas à Toulouse en était un bon exemple. Sometimes you need to go to know (Avancer sans plan précis est parfois nécessaire).
pict: Rinzin (thanks!)
cam, setting & editing: Etienne
manjushri portraits
​
​
500+ portraits from a Buddhist community I bear in my heart