portraits de mandjoushri
une quête de paix
500+ portraits d'une communauté bouddhiste que je porte dans mon cœur
6. Envie d’approfondir
Parti dans ce centre pour quelques jours, je suis resté deux semaines. Puis j’ai dû retourner à Paris pour des questions d’organisation. Enthousiaste, curieux, motivé, je voulais approfondir l’expérience, multiplier ces rencontres. Un nom revenait souvent dans les échanges à Toulouse : Manjushri. Le nom de la maison mère de cette tradition bouddhiste Kadampa. Un lieu, sur la côte anglaise, près du Lake District et de Manchester, où résident des dizaines de personnes depuis les années 70. Un lieu où, dorénavant, se forment des centaines d’enseignants. Où convergent chaque année des milliers d’adeptes, notamment lors des festivals de printemps et d’été.
Quelques semaines plus tard, me voici donc à Manjushri (Mandjoushri, en français), avec l’envie de prolonger ces discussions et ces enseignements, encore plus loin de Paris, et en Anglais. Because when you change your words, you change your world (en changeant nos mots, on change notre monde).
Parler une autre langue que notre langue maternelle, cela permet de prendre bien conscience que le langage est une interface. Un objet. Un objet entre nous et le monde, pour le pire comme pour le meilleur.
Maîtrisant très bien le français, en l’utilisant j’avais tendance me perdre dans les détails, dans le souci esthétique, dans la forme, le style. Tant en parlant qu’en écoutant. Dans notre langue maternelle, on tend à évaluer culturellement sur le choix du vocabulaire, l’accent, la diction, etc.
En anglais, mon point d’attention se déplace de la forme au fond.
Me faire comprendre. Et comprendre les autres.
Je dis plus que je ne parle. J’écoute plus que je n’entends.
Cela m’oblige à ressentir mon intention profonde. Ma direction. Et celle de l’autre.
À parler moins et écouter moins avec mon cerveau qu’avec mon cœur et mon ventre.
7. Des résultats concrets
Parti pour une semaine à Manjushri, j’y reste finalement cinq semaines. Chaque jour, en anglais, j’assiste à des enseignements profonds et pratiques, j’ai des heures de discussion très intéressantes, sans tabou, avec des gens du monde entier. Qu’ils mettent leur vie au service de la spiritualité ou la spiritualité au service de leur vie, la plupart d’entre eux relèvent, ont relevé et/ou projettent de relever de grands défis: nouveaux pays, nouveaux métier, nouvelles philosophies, nouveaux problèmes, nouvelles solutions, nouvelles ambitions. Mes aventures, mes médailles et mes cicatrices n’impressionnent ni ne repoussent personne. Certains ont déjà les mêmes, voire ont joué dans des divisions supérieures.
Quitter le confort de mon appartement parisien me semblait être une concession très importante sur mon bien-être. C’est en fait le contraire. La vie collective, l’accès limité à internet, l’interdépendance et les horaires réguliers sont une libération.
On me forme à la dorure à la feuille 24 carats, que j’exerce pendant un mois sur des objets destinés à la création d’un nouveau temple au Portugal.
Des résidents me donnent des conseils simples pour calmer la douleur de dos qui m’empêche de jogger depuis 8 mois, malgré les séances d’ostéopathie. En quelques jours, je peux courir de nouveau. Et respirer.
La 4e semaine, je m’inscris à un week-end dédié à la méditation. La plupart des participants viennent de toute l’Angleterre pour l’occasion, y compris de Londres, à 460 km de là . C’est l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes. J’entends exactement les mêmes propos 3 ou 4 fois, de personnes différentes : « J’ai eu une énorme semaine. Je n’ai presque pas pu venir. Je ne serais pas venu si je n’avais pas déjà payé. La semaine prochaine est elle aussi énorme. Je suis crevé.»
J’avais l’impression de m’entendre, quelques semaines auparavant. Pressurisé, stressé, compressé, fatigué. Parfois par un métier qui n’a pas un sens profond à nos yeux.
Aider des grandes marques à générer davantage de profits, je l’ai fait pendant 15 ans. J’ai eu beaucoup de moments tendus. Délais serrés, changements de dernière minute, clients stressés, mauvaises interviews, ras le bol de devoir me concentrer pendant des jours, des semaines entières sur des produits de consommation courante, ou sur un rapport de 80 pages à rendre par email à une personne que je n’ai jamais vue en vrai.
Soyons honnête, Il y a aussi des moments de « satisfaction ». Une présentation orale qui met tout le monde d’accord, un remerciement rapide mais sincère avec un regard dans les yeux, une campagne de publicité qui tient compte d’un bout de recommandation, une diapositive qui résume particulièrement bien les conclusions, un client qui négocie moins que prévu sur le prix, un retard de TGV plus court qu’annoncé, un lieu de mission qui ne nécessite qu’un seul changement de métro, un virement sur mon compte en banque.
Ok, je fais un peu d’ironie. Cependant, en me retrouvant face à moi même, à travers ces gens tout juste arrivés de la ville, je mesurais à quel point, en à peine un mois, j’étais devenu apaisé et heureux.
Et pourtant je n’étais pas en vacances, au soleil, sur la plage, sur un transat, à boire des mojitos. Ni dans mon beau chez moi. Et pourtant je travaillais bénévolement plus de 35 heures par semaine, partageais des sanitaires, une salle à manger et un dortoir.
J’avais commencé par quitter temporairement mon mode de vie parisien, certain qu’il n’était plus une réalité souhaitable. Il devenait maintenant évident qu’une autre réalité était possible. Une autre réalité, cela peut être tout changer (métier, relations…). Mais pas obligatoirement. À mon sens, ce qui compte c’est trouver un autre équilibre.
8. Tout est possible
Difficile de résumer l’envergure et les répercussions de ces séjours à Toulouse puis à Manjushri début 2013. De ces rencontres. Mais si je devais le faire en une phrase ce serait celle-ci : Tout est possible.
Puisque deux mois et demi seulement d’un mode de vie aussi différent de mes habitudes me font autant de bien, ma marge de progression est probablement colossale
Et, comme cela est justement répété dans les enseignements, puisque le monde est perception, si l’on maîtrise notre perception, on maîtrise le monde.
Tout est vraiment possible.
Et notamment, changer. Vivre davantage de bonheur, en soi et autour de soi.
Mon témoignage sonne comme un publi-reportage. Cela me fait sourire. Peu importe. Je repars de Manjushri avec la volonté d’amorcer un changement concret. Et surtout, plus original pour moi, la conviction que ce changement est vraiment possible.
9. Le choix d’un changement rapide et profond
Au moment où j’écris ces lignes, en septembre 2015, il s’est écoulé deux années et demie depuis cette sorte de prise de conscience de début 2013. Chacun son rythme, chacun ses conditions. Pour ma part j’ai choisi d’entamer un changement profond et rapide, parce que :
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mes conditions étaient bonnes : célibataire, une grande fille de 20 ans qui va très bien, et des économies
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J’aime l’intensité
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Je sens depuis 10 ans que je n’exploite que très partiellement mon potentiel de bonheur, et il me tarde de le vivre davantage
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Le temps presse, et de toutes façons si je ne change pas je vais exploser en vol
10. Déconstruire
Le changement le plus important, le plus central, c’est celui intérieur, celui du conducteur, celui de l’esprit. C’est lui qui donne la direction. C’est ce que l’on a toujours avec soi, peu importe l’état de la route et la nature du véhicule. Mais, maitrisant mal mon esprit, je sais qu’il faut que je commence par changer mon environnement, mes habitudes de vie : travail, loisirs, biens matériels, relations. Qu’il me faut également descendre dans les couches fondamentales comme la façon dont fonctionne mon esprit, mon alimentation, mon sommeil. Pour tenter d’atteindre une sorte de cœur. Une mécanique ou une anatomie fondamentales du corps et de l’esprit.
Donc j’ai choisis de faire à grande échelle ce que j’ai fait pendant mes deux mois à Toulouse et Manjushri. Voici ce que je peux dire deux années et demie plus tard.
Côté matériel :
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Je me suis séparé de l’appartement lié aux histoires familiales.
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J’ai vendu ou donné mes affaires. La totalité de ma vie matérielle a rétréci à 2 ou 3 mètres cubes (merci à ceux qui les entreposent)
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En quatre mois :
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J’ai totalement cessé l’activité professionnelle qui était ma source de revenus depuis 15 ans, n’y trouvant plus de satisfaction profonde.
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J’ai quitté Paris, que j’habitais depuis 24 années, pour l’étranger, en commençant par, à 8000km de là , 15 mois à Vancouver, et six mois à Montréal, trois mois en Angleterre et deux mois au Mexique
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J’ai vécu dans une dizaine de lieux différents, dont 14 mois en colocation et 12 mois en communauté, dont quatre mois en dortoir et un mois en camping
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J’ai remboursé mon crédit immobilier et n’ai pratiquement plus aucune charge mensuelle
Côté santé :
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J’ai un mode de vie 10 ou 20 fois moins risqué (fête, scooter…)
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J’ai vécu dans des environnements beaucoup moins pollués et stressés, et passé beaucoup plus de temps au contact de la nature
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J’ai repris un rythme régulier pour le sport et fait de nombreuses choses nouvelles et bonnes pour ma santé. Notamment : 150 cours de yoga, une centaine de séances de méditation, autant d’enseignements bouddhistes, 10 jours de jeûne alimentaire, 10 jours de méditation silencieuse Vipassana, et je continue d’explorer la question de l’alimentation, notamment sur l’axe alcalin / acide
Côté relationnel, j’ai:
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Rencontré énormément de nouvelles personnes, vue de nouvelles choses
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Passé davantage de temps de qualité avec des membres de ma famille
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Passé l’essentiel de ce temps à vivre en langue anglaise
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Fait plus de bénévolat et de bonnes actions que jamais J
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Fait pendant un an à Vancouver un métier de journaliste TV que je n’avais jamais fait auparavant. Puis décider de cesser ce métier pour continuer à explorer.
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Vécu de la photographie pendant quelques mois, même si très modestement
Parallèlement à cette déconstruction de mes habitudes et de ma vie matérielle, j’ai ouvert la porte à trois nouveaux invités dans ma vie : le yoga, la méditation et la spiritualité. Et je me suis intéressé à mon alimentation et à ma respiration de plus près. L’idée étant de descendre profond en soi. De considérer des composants fondamentaux que j’avais ignorés ou négligé pendant des années. Ensevelis sous mes distractions extérieures.
Je n’ai pas le temps de développer ici les bienfaits de la méditation, du yoga, et le degré d’importance de l’alimentation et de la respiration. Faites vos recherches, mais surtout, essayez, et persistez! Tout ce que je peux dire, c’est que ces pratiques, à très bon compte, donnent des résultats impressionnants, changent littéralement la vie. Peuvent en réalité soigner ou apaiser des problèmes que l’on se traine depuis très longtemps. Et je ne suis qu’un débutant. Mon mode de vie n’est pas régulier, je ne suis pas stabilisé, je fais beaucoup moins la fête mais je la fais encore. Chacun son rythme.
manjushri portraits
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500+ portraits from a Buddhist community I bear in my heart